Un photodétecteur organique qui a le rythme dans la peau

Des chercheurs du Laboratoire de nanochimie de l’Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires (Université de Strasbourg et CNRS), en collaboration avec l’Université Tsinghua et l’Université de Shenzhen (Chine), ont développé un photodétecteur organique extrêmement sensible dans le visible et le proche infrarouge grâce auquel une première application dans le domaine de la surveillance de la santé a été réalisée. Ces résultats viennent de paraître dans la revue Nature Communications.

La détection efficace de la lumière s’est imposée comme une technologie incontournable de l’ère de l’information, ce qui a conduit à l’avènement de dispositifs capables de convertir un rayonnement lumineux en un signal électrique, les photodétecteurs. Les photodétecteurs sensibles aux rayonnements dans le proche infrarouge, c’est-à-dire à des longueurs d’onde supérieures à 780 nm, présentent un intérêt tout particulier pour de nombreuses applications comme la détection de mouvement, le contrôle de la qualité des aliments et de l’eau, l’imagerie biomédicale ainsi que la surveillance de la santé et de l’environnement.

Parmi les matériaux actifs utilisés pour la photodétection, les semi-conducteurs organiques offrent des avantages indéniables sur leurs homologues inorganiques traditionnels (silicium, germanium, arséniure de gallium, etc.), à savoir des propriétés optiques et électriques faciles à ajuster et une bonne compatibilité avec les procédés de fabrication utilisés dans l’industrie. Les nanofils organiques semi-conducteurs auto-assemblés sont des nanostructures confinées dans l’espace avec un diamètre de l’ordre de 2 à 200 nm et une longueur allant de quelques centaines de nanomètres à plusieurs millimètres, permettant aux électrons, aux trous ou aux photons de se déplacer librement dans une dimension, ce qui en fait des briques moléculaires idéales pour des applications en nanoélectronique et en nanophotonique, jetant un pont entre le monde mésoscopique (100 nm–1 µm) et le monde macroscopique (> 1 µm).

Les chercheurs de Strasbourg, Pékin et Shenzhen ont ainsi mis au point un phototransistor vertical constitué d’un réseau continu de nanofils de pérylène obtenu par ingénierie supramoléculaire pris en sandwich entre une électrode inférieure de graphène et une électrode supérieure d’or. L’astuce consiste à utiliser non pas une couche continue d’or pour l’électrode supérieure, mais un réseau de nanomailles, donnant à l’électrode d’or l’aspect d’une « carte perforée », ce qui permet d’obtenir un meilleur contact avec les nanofils ainsi qu’une transparence plus élevée grâce à la présence de nanotrous. Cette architecture unique conduit à d’excellentes propriétés électriques et optoélectroniques. De plus, le phototransistor est ultrasensible sur une large gamme spectrale (du visible au proche infrarouge), surclassant ainsi les dispositifs à base de matériaux organiques complexes à bande interdite étroite généralement utilisés pour la détection de lumière dans le proche infrarouge.

Comme preuve de concept, les chercheurs ont fabriqué un capteur permettant de mesure le rythme cardiaque d’un patient en temps réel. Il suffit pour cela d’utiliser une source de lumière verte qui traverse le bout du doigt placé sur le phototransistor, ce dernier mesurant la lumière transmise. En raison de la variation du volume sanguin à chaque cycle cardiaque, le pouls du patient est extrait du courant mesuré dans le phototransistor.

Ces résultats constituent une avancée majeure pour les photodétecteurs ultrasensibles dans le proche infrarouge de prochaine génération et offrent des perspectives d’application dans de nombreux domaines comme la santé.

Ci-dessus : représentation schématique et image de microscopie électronique à balayage en coupe transversale du phototransistor vertical comprenant un réseau 3D de nanofils. Bas : vue latérale du capteur mesurant le pouls d’un patient en temps réel.

Supramolecular engineering of charge transfer in wide bandgap organic semiconductors with enhanced visible-to-NIR photoresponse

Yifan Yao, Qi Ou, Kuidong Wang, Haijun Peng, Feier Fang, Yumeng Shi, Ye Wang, Daniel Iglesias Asperilla, Zhigang Shuai & Paolo Samorì*

Nature Communications, 2021, 12, 3667

DOI : 10.1038/s41467-021-23914-2