Hétérostructures organiques–inorganiques aux propriétés électroniques programmables

Des chercheurs du Laboratoire de nanochimie de l’Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires (CNRS / Université de Strasbourg), en collaboration avec l’Université de Mons, l’Institut Max-Planck de recherche sur les polymères (Allemagne) et l’Université technique de Dresde (Allemagne), ont élaboré une nouvelle stratégie supramoléculaire basée sur l’auto-assemblage de briques organiques appropriées sur du graphène pour créer des potentiels périodiques 1D ajustables, ouvrant ainsi la voie à la réalisation de matériaux multicouches hybrides organiques–inorganiques aux propriétés électroniques et optiques uniques. Ces travaux sont parus dans la revue Nature Communications.

Les empilements verticaux de différents cristaux bidimensionnels, tels que le graphène, le nitrure de bore, etc., maintenus ensemble par des forces faibles de van der Waals sont communément appelées « hétérostructures de van der Waals ». De telles structures multicouches sophistiquées peuvent être utilisées comme une plate-forme polyvalente pour l’étude de divers phénomènes à l’échelle nanométrique. En particulier, la superposition mécanique des cristaux 2D génère des potentiels périodiques 2D qui confèrent au système des propriétés physiques et chimiques inhabituelles.

Dans ce contexte, une équipe de chercheurs européens a mis en œuvre une approche supramoléculaire pour former des réseaux moléculaires organiques auto-assemblés avec une géométrie contrôlée et une précision atomique sur du graphène, induisant des potentiels périodiques unidimensionnels dans les hétérostructures hybrides organiques–inorganiques résultantes. Des briques moléculaires ont été soigneusement conçues et synthétisées à cet effet. Celles-ci sont dotées (i) d’une longue chaîne aliphatique dirigeant l’auto-assemblage et la périodicité du potentiel et (ii) d’une tête photoréactive de type diazirine dont le moment dipolaire module le potentiel de surface du feuillet de graphène sous-jacent. Lors de l’irradiation avec de la lumière ultraviolette avant le dépôt sur le graphène, la fonction diazirine se décompose en formant un carbène réactif. Ce dernier est enclin à réagir avec des molécules de solvant, ce qui conduit à un mélange de nouveaux composés portant des fonctionnalités différentes.

L’imagerie par microscopie à effet tunnel a été utilisée pour caractériser l’arrangement nanométrique des réseaux supramoléculaires formés sur des surfaces de graphite et de graphène, ce qui détermine la périodicité ainsi que la géométrie des potentiels induits. Une caractérisation électrique a ensuite été réalisée sur des dispositifs à effet de champ à base de graphène pour évaluer l’influence des différentes couches organiques auto-assemblées sur les caractéristiques électriques du matériau 2D. Des simulations numériques ont permis d’élucider les interactions de l’assemblage moléculaire avec le graphène ; une analyse théorique a de plus confirmé que l’origine du dopage peut être entièrement attribuée à l’orientation des dipôles des groupes de tête des molécules. Enfin, un potentiel périodique avec la même géométrie mais une intensité différente a pu être obtenu à partir d’un réseau supramoléculaire préparé après irradiation UV de la brique organique de départ dans un solvant différent.

Les chercheurs sont ainsi parvenus à démontrer que les réseaux supramoléculaires organiques se prêtent à la formation de potentiels périodiques 1D contrôlables sur une surface de graphène. Il est intéressant de noter que la périodicité, l’amplitude et le signe des potentiels induits peuvent être pré-programmés et ajustés par une conception moléculaire soignée. Cette approche supramoléculaire « bottom-up » peut être étendue et appliquée à d’autres matériaux inorganiques 2D tels que les dichalcogénures de métaux de transition, ouvrant ainsi la voie à des hétérostructures de van der Waals multicouches plus complexes. Ces résultats sont d’une grande importance pour la réalisation de matériaux hybrides organiques–inorganiques avec des propriétés structurelles et électroniques pouvant être contrôlées et offrant des fonctionnalités électriques, magnétiques, piézoélectriques et optiques sans précédent.

Référence

Marco Gobbi, Sara Bonacchi, Jian X. Lian, Yi Liu, Xiao-Ye Wang, Marc-Antoine Stoeckel, Marco A. Squillaci, Gabriele D’Avino, Akimitsu Narita, Klaus Müllen, Xinliang Feng, Yoann Olivier, David Beljonne, Paolo Samorì* & Emanuele Orgiu*

Periodic potentials in hybrid van der Waals heterostructures formed by supramolecular lattices on graphene

Nature Communications 21 mars 2017

DOI : 10.1038/ncomms14767

Contacts chercheurs

Paolo Samorì, Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires – Strasbourg

Tél. : 03 68 85 51 60

Courriel : samori@unistra.fr

http://www.nanochemistry.fr/

Emanuele Orgiu, Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires – Strasbourg

Tél. : 03 68 85 51 80

Courriel : orgiu@unistra.fr