Des chercheurs du Laboratoire de nanochimie de l’Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires (Université de Strasbourg & CNRS), en collaboration avec l’Université Adam-Mickiewicz de Poznań (Pologne) et l’Université de Florence (Italie), ont mis au point une nouvelle génération de capteurs de pression à base de graphène et de « ressorts » moléculaires. Grâce à leurs performances de haute volée, ces dispositifs sont parfaitement adaptés à la surveillance de la santé et au diagnostic médical. Ces résultats viennent de paraître dans la revue Advanced Materials.
Les capteurs de pression sont des dispositifs électroniques ayant la capacité de traduire une variation de pression en signaux électriques. D’un point de vue technologique, il est possible d’imaginer leur utilisation comme éléments clés pour des applications en bioélectronique portable, comme par exemple la surveillance de l’environnement d’un patient ou de son l’état de santé dans une application de diagnostic.
De nombreux matériaux électroactifs ont été employés dans cette optique. Parmi eux, le graphène a été le plus étudié en raison de son excellente conductivité électrique, de ses propriétés mécaniques exceptionnelles et de sa grande surface. Il est prouvé que le graphène peut être utilisé en toute sécurité en contact direct avec la peau, ce qui permet d’envisager des applications de capteurs à base de graphène sous la forme de tatouages.
Pour évaluer les performances d’un capteur de pression, plusieurs paramètres doivent être pris en compte, tels que la sensibilité, le temps de réponse, la limite de détection, la plage de linéarité, la résistance à la fatigue, la consommation électrique et la robustesse. La sensibilité est probablement le facteur le plus important pour un capteur de pression. Les capteurs les plus sensibles sont capables de détecter une variation de pression aussi infime qu’un mouvement musculaire ou une vibration sonore.
C’est dans ce contexte que les chercheurs ont eu l’idée de combiner un matériau bidimensionnel commercial – l’oxyde de graphène – et des petites molécules réactives plus ou moins rigides afin de produire un composite en mille-feuille de haute sensibilité. Après condensation de ces espèces et réduction chimique du composé hybride formé pour rétablir la conductivité électrique élevée du graphène, une encre conductrice est obtenue. Cette dernière peut être déposée sur un substrat par vaporisation, ce qui conduit à la formation d’un empilement de feuillets de graphène séparés par des piliers moléculaires. Les propriétés mécaniques de la structure multicouche dépendant directement de la compressibilité des molécules intercalées, cette approche permet d’obtenir une sensibilité accrue en employant tout simplement des « ressorts » moléculaires plus flexibles et en maîtrisant la loi de Hooke à l’échelle nanométrique.
Les chercheurs en ont fait la démonstration en fabriquant un capteur de pression extrêmement sensible permettant de mesurer le pouls d’un patient avec une très haute résolution, et sont même allés plus loin en réalisant une matrice de capteurs permettant d’acquérir une information spatiale supplémentaire et donc de construire une cartographie 3D de la pression exercée par un objet.
Ces résultats constituent une avancée majeure qui offre de multiples perspectives pour la santé, la robotique et l’Internet des objets, et qui pourrait également bénéficier à l’électronique imprimée.
Ces travaux s’inscrivent dans le cadre du projet européen de grande envergure « Graphene Flagship – Core 2 » (Grant Agreement No. 785219) et marquent une première étape du sous-projet « ChemSens » qui vise à développer un capteur multifonctionnel portable pour la détection d’espèces ioniques (Na+, K+) et de biomolécules (lactate, testostérone, cortisol).
Molecule–Graphene Hybrid Materials with Tunable Mechanoresponse: Highly Sensitive Pressure Sensors for Health Monitoring
Chang-Bo Huang, Samanta Witomska, Alessandro Aliprandi, Marc-Antoine Stoeckel, Massimo Bonini, Artur Ciesielski* & Paolo Samorì*
Advanced Materials, 2019, 31, 1804600