Des chercheurs du Laboratoire de nanochimie de l’Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires (CNRS / Université de Strasbourg), en collaboration avec l’Université Humboldt de Berlin (Allemagne) et l’Université de Nova Gorica (Slovénie), ont montré qu’un mélange soigneusement choisi d’une petite molécule photocommutable et d’un polymère semi-conducteur permet de fabriquer des mémoires de haute performance qui peuvent être écrites et effacées par illumination. Ces mémoires optiques multi-niveaux (de 8 bits !) ont également été intégrées sur des substrats flexibles, ouvrant ainsi la voie à des applications pour l’électronique portable, le papier électronique et les dispositifs intelligents. Ces travaux sont parus dans la revue Nature Nanotechnology.
Dans la quête de l’amélioration de la capacité de stockage de données des dispositifs électroniques de tous les jours (mémoires vives, disques durs, clés USB, etc.), des stratégies alternatives aux technologies conventionnelles à base de silicium doivent être développées. La miniaturisation continue des circuits électroniques, conduisant à l’intégration d’un plus grand nombre de mémoires par unité de surface, a déjà montré ses limites en raison d’une complexité de fabrication accrue. Une autre approche prometteuse consiste à développer des mémoires capables de stocker non pas un seul mais plusieurs bits d’information par dispositif, communément appelées mémoires multi-niveaux.
Une équipe européenne de chercheurs de Strasbourg, de Berlin et de Nova Gorica a ainsi développé un transistor organique en couches minces sensible à la lumière en mélangeant une molécule conçue sur mesure servant d’interrupteur optique miniaturisé avec un polymère semi-conducteur de haute performance. Lorsqu’il est illuminé avec de la lumière ultraviolette et verte, respectivement pour « écrire » et « effacer » une information, l’interrupteur moléculaire subit une interconversion réversible entre deux formes distinctes, l’une permettant et l’autre empêchant le passage du courant à travers le polymère semi-conducteur environnant.
En intégrant ces composés dans des transistors et en utilisant des impulsions laser de courte durée, les chercheurs ont pu construire des mémoires multi-niveaux avec une capacité de stockage de données de 8 bits. Significativement, leurs prototypes de dispositifs combinent une grande endurance à plus de 70 cycles d’écriture et d’effacement et des temps de rétention des données supérieurs à 500 jours.
Enfin, l’équipe a réussi à transférer ce concept de dispositif sur des substrats polymériques flexibles et légers, comme le polyéthylène téréphtalate, afin de remplacer le silicium rigide couramment utilisé. L’architecture souple obtenue conserve ses caractéristiques électriques après 1000 cycles de flexion, ce qui démontre sa robustesse et sa pertinence pour l’électronique flexible.
Ces résultats sont d’une grande importance pour la réalisation de (nano)dispositifs électroniques intelligents et pliables de haute performance programmables par illumination avec des applications potentielles pour les mémoires optiques multi-niveaux de haute densité et flexibles, les circuits logiques, et plus généralement pour l’optoélectronique de prochaine génération.
Référence
Tim Leydecker, Martin Herder, Egon Pavlica, Gvido Bratina, Stefan Hecht*, Emanuele Orgiu* & Paolo Samorì*
Flexible non-volatile optical memory thin-film transistor device with over 256 distinct levels based on an organic bicomponent blend
Nature Nanotechnology 20 juin 2016
DOI : 10.1038/nnano.2016.87
Contacts chercheurs
Paolo Samorì, Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires – Strasbourg
Tél. : 03 68 85 51 60
Courriel : samori@unistra.fr
Emanuele Orgiu, Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires – Strasbourg
Tél. : 03 68 85 51 80
Courriel : orgiu@unistra.fr