Un réseau précurseur de la biochimie du vivant identifié

Pour progresser dans la compréhension de l’origine de la vie, des chercheurs de l’Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires (ISIS – CNRS/Université de Strasbourg) ont imaginé un réseau dynamique de réactions chimiques, proche de la biochimie actuelle du vivant. À partir de deux biomolécules « simples » dissoutes dans une eau riche en fer, et en seulement quelques heures, les chercheurs sont parvenus à un ensemble de nouvelles biomolécules, sans aucune activité enzymatique. Ces résultats, publiés dans la revue Nature, permettent de mieux appréhender la chimie prébiotique et son évolution vers la vie.

Comment la vie et ses métabolismes biologiques ont-ils été amorcés sur la Terre primitive ? Et pourquoi les organismes utilisent-ils ces réactions métaboliques et pas d’autres ? En règle générale, le vivant fabrique des biomolécules en fixant le CO2 et finit par les décomposer à nouveau en CO2. Ce processus complexe et dynamique est régi par seulement cinq composés organiques, au centre de la biochimie. Telles les cinq plus grosses stations de métro de Paris qui, connectées entre elles, permettent l’inter-connexion globale de tout le réseau parisien, ces cinq composés donnent accès à une multitude de voies métaboliques et de biomolécules, formant un réseau réactionnel riche. Une équipe de l’Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires (CNRS/Université de Strasbourg) avait déjà montré que des sels de fer et d’autres métaux de transition, en milieu aqueux, favorisent deux anciennes voies de fixation du CO2  – le tout sans enzymes, apparues bien plus tard sur terre.  Cette équipe s’intéresse maintenant à la biologie actuelle dans laquelle le vivant utilise une autre voie métabolique nommée « cycle de Krebs ».

Les scientifiques ont démontré que deux molécules issues de la transformation du CO2, mélangées dans de l’eau chaude riche en fer, donnent naissance à un réseau réactionnel qui se complexifie avec le temps, capable de produire une grande variété d’autres molécules qui finissent toutes par se décomposer en CO2. Le système de réactions et espèces chimiques ainsi obtenues ressemble aux réactions de synthèse et de dégradation réalisées par les organismes biologiques, mais sans enzyme. On retrouve 9 des 11 intermédiaires (y compris les 5 métabolites décrits précédemment) obtenus dans le cycle biologique de Krebs et 7 de ses 11 réactions. Ce nouveau réseau réactionnel reproduit également la majeure partie des réactions chimiques nécessaires à une autre voie biologique connue, le cycle du glyoxylate. En ajoutant un composé inorganique, l’hydroxylamine, ce réseau conduit également à quatre acides aminés biologiques, constituants de protéines du vivant.

Il manque donc peu d’éléments pour reproduire l’ensemble des réactions chimiques que le cycle biologique utilise aujourd’hui. Ce réseau chimique, favorisé par l’abondance géochimique du fer, aurait donc pu être un précurseur prébiotique de ces voies métaboliques reconnues comme les plus préservées par l’évolution. Ces résultats proposent ainsi une explication sur la façon dont la complexité biomoléculaire a pu se mettre en place.

Référence

Kamila B. Muchowska, Sreejith J. Varma, Joseph Moran

Synthesis and breakdown of universal metabolic precursors promoted by iron

NatureMai 2019

https://doi.org/10.1038/s41586-019-1151-1

Contact

Joseph Moran, Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires (CNRS/Université de Strasbourg)

Courriel : moran@unistra.fr

https://moranlab.com/