Régulateur de vitesse Supramoléculaire

Des chercheurs de l’université de Strasbourg sont parvenus à montrer que des fibres supramoléculaires artificielles pouvaient être maintenues loin de leur état d’équilibre, à la manière du régulateur de vitesse d’une voiture. L’hors-équilibre est la pierre angulaire du vivant et la plupart des systèmes sont capables de consommer un « carburant chimique » tout en évacuant les déchets produits. Ce faisant, ils sont alors capables d’opérer loin de leur équilibre thermodynamique indéfiniment en dissipant l’énergie qui leur est fournie. Inspirés de ces systèmes, les chercheurs ont décidé de confiner un auto-assemblage dans un réacteur ouvert (imprimé en 3D) afin de mimer ces conditions permettant au système supramoléculaire de s’assembler et de se désassembler en continu. Ces travaux, publiés dans le journal Nature Communication posent la première pierre d’une nouvelle discipline : l’auto-assemblage dissipatif.

 

Les êtres vivants ont constamment besoin de se nourrir comme de respirer tout en évacuant régulièrement les déchets produits. Ils consomment de l’énergie afin de se maintenir loin de leur équilibre thermodynamique pour tout simplement ne pas dépérir. Jusqu’à maintenant, plusieurs groupes étaient parvenus à développer une flopée de systèmes capables d’opérer hors-équilibre mais aucun ne fut en mesure de s’y maintenir bien longtemps.

Avec cette dernière avancée, les chercheurs de l’Institut de Science et d’Ingénierie Supramoléculaire et de l’université de Strasbourg sont parvenus à montrer qu’il était possible de maintenir indéfiniment un assemblage supramoléculaire synthétique loin de son équilibre thermodynamique. Ils ont, pour ce faire, synthétisé une molécule en mesure de s’auto-assembler en fibres. La molécule peut être activée par une enzyme, poussant ce système à former de plus grandes fibres. Cette enzyme elle-même a besoin d’un « carburant », l’adénosine triphosphate (ATP), afin de pouvoir effectuer ce « travail ». Une seconde enzyme également présente en solution est cette fois-ci capable de désactiver les molécules constitutives de l’assemblage, poussant le système supramoléculaire à retourner dans son état thermodynamique initial (i.e. fibres plus courtes). En plaçant ce système dans un réacteur ouvert, on retrouve une situation similaire aux cellules vivant, ou le « carburant chimique » tout comme les déchets engendrés peuvent passer au travers la membrane et ne s’y accumulent donc pas. Etre en mesure de se maintenir dans un état permet parfois au système supramoléculaire d’exhiber de nouvelles structures ou propriétés qui n’existent pas à l’équilibre. Cette façon de procéder rappelle celui d’une voiture qui pour rouler consomme du carburant et éjecte des gaz pour pouvoir se maintenir à la vitesse programmée par le régulateur de vitesse. En somme, ces travaux ouvrent la voie vers des systèmes supramoléculaires synthétiques « vivants », qui seront un jour en mesure d’effectuer des tâches de plus en plus complexes.

Référence:

A.Sorrenti, J.Leira-Iglesias, A.Sato,  T.M.Hermans*, Nature Communications 2017, 8:15899, Non-equilibrium steady-states in supramolecular polymerization (lien).